Le Yoga postural a connu une croissance importante au 20ème et 21ème siècle en Occident au point qu’aujourd’hui, beaucoup ne font plus la différence entre yoga et asana. Il est donc très intéressant de se plonger dans le travail de Mark Singleton qui étudie l'évolution des postures dans le Hatha Yoga.

Tout d'abord il est bon de s'intéresser au terme "Yoga" en lui-même pour pouvoir comprendre d'où nous partons. Si nous nous arrêtons quelques instants sur ce dernier, nous pouvons observer qu’il est construit de deux éléments :
âs = qui signifie être assis, être pleinement installé dans une position/un moment
Ana = qui peut être traduit par « d’une certaine manière ». L’âsana désigne donc de base la posture assise, mais également toutes les postures de yoga.
Le mot "yoga" quant à lui signifie "relier". En plus d’un enchaînement de postures ou d’une attention particulière à la respiration, il demande également une conscience de l’action liant le corps et le souffle.
Le yoga est une discipline exercée depuis des centaines, peut-être même des milliers d’années dans la région de l’Inde. Malgré son histoire très longue, il n’est pas certain que les postures ont été si importante que ça jusqu’à présent dans sa tradition, excepté les postures de méditations.
Au travers de l’ouvrage « Aux Origines du Yoga Postural Moderne », Mark Singleton, universitaire et historien britannique, spécialiste du yoga, nous rend compte de son travail de recherche sur le Hatha Yoga. Cette ouvrage, qui n’est autre que sa thèse de doctorat, rend compte de la différence entre le yoga postural, tel qu’il nous apparaît aujourd’hui, et le hatha yoga, tel qu’il était présenté dans les textes médiévaux et comment le yoga a complètement changé d’image au fil du temps.
En effet les postures étaient absentes des textes médiévaux et lors de la forte diffusion du yoga au 19ème siècle, la figure du yogi est tout d’abord négative puisque portée au travers de la culture orientaliste et des premières traductions anglaises des textes indiens par une représentation de personne sans le sou, amené pour certains à se donner en spectacle pour mendier. Les premières personnalités du yoga ont donc naturellement, dans un premier temps, délivré un enseignement sans posture. Le yoga s’est ensuite développé en se teintant de culture Occidentale et Indienne. Pendant la colonisation, en Inde notamment, il a fait l’objet d’un enjeu politique. Puis, au 20ème siècle les postures ont été réintroduites au contact de la culture physique :« le nouveau corps yogique, explique l’auteur, est un corps qui a été entièrement façonné par les pratiques et les discours de la culture physique moderne, du milieu de la santé et de l’ésotérisme occidental ».
La fin de l’ouvrage est particulièrement tournée sur le travail de T. Krishnamacharya, passage important pour moi, puisque j’ai été formé dans un enseignement en ligne direct avec celui de son fils, Desikachar. L’auteur qualifie le travail de T. Krishnamacharya comme ceci « le style particulier de Krishnamacharya n’est pas aussi unique qu’on pourrait le croire : il est une solide synthèse de la culture physique occidentale et indienne, placée dans le contexte du hatha yoga dit traditionnel ».
Cet ouvrage permet ainsi de se rendre compte que les lignées de yoga ne sont pas aussi pures que ce que nous l’entendons parfois par ses pratiquants car, comme toute discipline, il a été amené à bouger et évoluer en fonction des périodes historiques et différents aléas de ces dernières. Le yoga s’inscrit ainsi entre tradition et modernité. Le but de l’auteur, en tant qu’universitaire, n’est donc pas de remettre en cause la sincérité de cette discipline, mais bien de comprendre l’évolution de sa forme en fonction de différentes influences.
Si vous souhaitez en découvrir plus sur les textes médiévaux du yoga, je ne peux que vous recommander son second ouvrage, coédité avec James Mallison et qui est un ensemble vaste de traductions de textes majeures sur le yoga : « Les Racines du Yoga ».
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